La question s’impose au Val d’Oise, placé dans une situation de grande complexité : il s’agit de recoudre les liens entre des territoires hétérogènes chargés d’histoire, entre banlieue pavillonnaire et grands ensembles, entre aires agricoles et naturelles. Baigné par la Seine, traversé par l’Oise, ce territoire qui compte une ville « nouvelle », Cergy Pontoise, les Parcs naturels régionaux d’ Oise-Pays de France et du Vexin, des lieux architecturaux emblématiques, constitue par sa diversité un condensé du Grand Paris.
Pour l’AIGP, la beauté métropolitaine constitue une des douze clefs de lecture du Grand Paris, où il s’agit « de la révéler et de l’amplifier dans tous les territoires, en reflétant les identités de chacun ».
Dire que la notion du beau constitue une préoccupation universelle n’est pas une imposture : relevant de l’esthétique, cette interrogation conditionne notre relation avec nous-même, avec autrui et avec le monde. Rares sont les activités humaines, même les plus utilitaires, où le souci du beau ne va pas s’introduire par une quelconque porte dérobée. Force est de constater, toutefois, que ces questions sont irréductibles à toute catégorisation : la raison insuffisante cède alors à l’art et aux affects le maniement du beau par des modes bien plus intuitifs.
Il peut sembler paradoxal de convoquer ce concept pour Paris, dont la réputation universelle de belle ville est régulièrement confirmée par l’appréciation des visiteurs venant de pays et de cultures fort divers. Paris, ses monuments, ses « hauts lieux », son tissu urbain, la symbiose qui s’opère entre un site fluvial d’une très grande générosité et les actes de bâtisseurs avisés - tout ce qui fait que Paris soit Paris... Pourtant, les taux de fréquentation et autres sondages d’opinion montrent à l’envi que le beau Paris mondialement réputé est un Paris localisé sur quelques « spots » touristiques bien délimités.
Dans le monde d’hyper-concurrence entre villes qui est désormais le nôtre, la beauté constitue un enjeu stratégique d’attractivité dans une visée de marketing urbain que ne doit jamais laisser oublier l’exigence que la beauté porte sur la qualité de vie de ses habitants. De par son statut de ville monde, Paris, dont la beauté manifeste est érigée en valeur axiomatique, ne peut plus se résoudre à la mise en valeur de son seul centre, ni du point de vue de ses habitants, ni du point de vue de ses visiteurs d’affaires ou de tourisme.
En effet, face à ce Paris - et à sa beauté historiquement instituée comme fondement de son identité même - quel destin prévoir pour Paris extramuros, ce « non-Paris » attenant ? Autrefois jardin maraîcher nourrissant la capitale avant de devenir son « trop plein », ce territoire qu’on nomme encore Petite ou Grande couronne se compose d’une multitude de communes subissant, en termes esthétiques, des fortunes variées : des quartiers pittoresques autour des gares des premiers chemins de fer, des cités jardins accueillantes côtoyant les grands ensembles monotones et des lotissements interminables s’étalant le long du réseau autoroutier.
Poser alors la question de la Beauté du Grand Paris c’est dès ajourd’hui prendre conscience que l’état des choses actuel - où la beauté allouée aux différentes parties de la ville, en termes de programmation, de qualité de projets et dans l’embellissement du déjà-là soit inégalement partagée - risque de perdurer, voire de s’empirer. Il n’ y a pas que les « hauts lieux », qui donnent le « la » et qui font rayonner Paris, il y a tous ces autres lieux « ordinaires » du Grand Paris, aux prétentions bien modestes, qui ont tout autant droit à l’agrément de la beauté, pour le bien-être de tous les jours de leurs habitants.
À l’heure du Grand Paris, quelles qu’en soient l’acception et le périmètre administratif, dans quels termes contemporains et au nom de quelles valeurs, cette beauté aussi polysémique soit-elle, peut-elle être étendue à tout le territoire métropolitain ? C’est là l’enjeu principal du colloque. Il reviendra aux intervenants des quatre tables rondes de s’emparer des problématiques, de les considérer sous différents points de vue, ici et maintenant, ailleurs et demain, d’en débattre et de nouer un dialogue fructueux avec les participants, décideurs, praticiens et chercheurs d’horizons divers.
Cependant, les organisateurs ont l’ambition de faire de ce colloque, plus qu’une parenthèse dans un lieu d’exception. Gageons que la qualité des échanges, la beauté du lieu y concourront et que ce colloque trouvera des prolongements.