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Le Grand Paris des échanges, le collectif réinventé - BRÈS + MARIOLLE ET CHERCHEURS ASSOCIÉS
Aujourd’hui, les territoires ont besoin d’innovation, de transformations environnementales, de solidarités. Il est vrai que les métropoles ont grandi de manière démesurée, que l’espace urbain n’est plus lisible ni compréhensible dans son ensemble et que les flux matériels et immatériels dessinent des géographies discontinues et mouvantes. Face à ces mutations, le local est mis en tension avec des territoires plus ou moins éloignés physiquement, au gré des échanges. Ainsi, on habite un lieu, un quartier, et on vit en relation avec le lointain. Le risque, c’est un monde à deux vitesses alors que « les liens à grande distance et le temps court des événements mondiaux sont aussi structurants que les liens de proximité et le temps long des enracinements locaux. Que devient l’équité dans un monde où les pôles riches et puissants n’ont plus besoin de leurs périphéries appauvries et débranchées » (Pierre Veltz, Des lieux et des liens, Éditions de l’Aube, 2012) ? SYSTÈME 1 LE LOCAL RENFORCÉLes habitants, la proximité, les altermobilitésEn explorant les territoires d’urbanisation dispersée, ou subagglo, à Nangis, Étampes et Sénart, en Seine-et-Marne et en Essonne, appelés couramment grande couronne parisienne, nous avons trouvé une vie locale qui s’appuie sur des solidarités, un collectif réinventé, des explorations sociales et spatiales au quotidien. Sur le terrain, des acteurs locaux luttent pour préserver une équité territoriale dont la mobilité est une des clefs et un facteur d’appartenance métropolitaine. Impliqués et motivés, ils sont conscients des enjeux sociaux et politiques franciliens. Le Nouveau Grand Paris ne leur est pas destiné. Pour eux, la vie quotidienne reste majoritairement assujettie à l’automobile. En prenant la mobilité comme point de départ, des transformations de l’espace concret permettent l’émergence de nouveaux programmes et lieux structurants.
SubaggloTerritoire au-delà de l’agglo (entendu ici au sens de l’Insee). En réalité, l’agglo n’étant ni agglomérée, ni dense, ni homogène, le concept de subagglo peut s’étendre partout où bâti et non bâti sont en relation. Quelques chiffres caractérisent la subagglo :
Grappe de proximitéReprésentation des relations entre domicile et services. Chaque grappe, définie au regard des distances les plus courtes entre les agrégats bâtis et les services quotidiens, de proximité et intermédiaires, dessine les contours d’un territoire potentiel de la proximité, du quotidien. SYSTÈME 2 LE SYSTÈME RELATIONNEL, LES LIENS ET LES ÉCHANGESEn partant des grappes de proximité, nous avons dessiné les systèmes relationnels à l’oeuvre au regard des relations entre domicile et travail, entre domicile et université et enfin des mobilités résidentielles. Ce travail a été réalisé sans prendre en compte l’impact de Paris sur les flux métropolitains. Sans nier que ceux-ci restent dominants, notre intérêt se porte d’abord sur les relations extérieures à la grappe de Paris, similaire à la future métropole du Grand Paris, c’est-à-dire Paris et les départements de première couronne. L’objectif consiste à dessiner les systèmes relationnels au sein de l’Île-de-France et avec la France entière. Le système relationnel fait émerger un certain nombre de places centrales situées en subagglo. Ainsi, le domaine urbain se construit par relations plus que par contiguïté, il prend une forme réticulaire plutôt qu’aréolaire. Le territoire augmenté représente à la fois le local et les liaisons multiples qui associent les pôles entre eux, au risque de laisser pour compte certains territoires, car, on le sait bien, même en centre dense, des dynamiques locales n’engendrent pas toujours, rarement même, des dynamiques aréolaires. À travers l’analyse des synapses formées par le dessin directionnel des flux, on peut lire des systèmes territoriaux divers :
Les pôles du Grand Paris hors ParisLa mise en évidence de systèmes territoriaux a permis d’identifier les pôles du Grand Paris, hors la grappe de Paris. On voit très nettement apparaître la première couronne comme une organisation plus compacte et plus densément polarisée. Ainsi, l’ensemble du territoire francilien se présente sous forme d’une organisation polynucléaire plus ou moins isotrope dans laquelle le local est mis en tension avec le métropolitain, voire le national, non pas selon des aires continues mais au contraire en système relationnel. Ce territoire augmenté représente à la fois le local et les liaisons multiples qui associent les pôles entre eux. Ce système relationnel, si on n’y prend garde, peut favoriser le lointain et laisser pour compte certains territoires de proximité. À travers l’analyse des synapses formées par le dessin directionnel des flux, on peut lire des systèmes territoriaux divers :
Nadine Cattan / géographe, directrice de recherche au CNRS, UMR Géographie CitésLe Grand Paris des échanges est-il gouvernable ?Dans un monde dominé par l’échange, un changement de perspective dans nos conceptions des territoires et de leur développement est nécessaire. Aujourd’hui, ni les villes ni les métropoles ne constituent des échelons pertinents pour comprendre et analyser les dynamiques territoriales et leurs évolutions. Les organisations métropolitaines doivent se concevoir dans une approche relationnelle, c’est-à-dire une approche qui dépasse les seules répartitions et localisations pour penser les territoires en termes d’interdépendance et d’articulation. Il s’agit de mettre au centre de notre conception de l’aménagement des territoires la réalité mobile pour concilier l’espace des lieux et l’espace des liens1. Seule une telle approche permet de dépasser une acception du développement territorial et urbain figée dans la nécessité de rééquilibrer les masses en présence, où l’effet de taille est survalorisé. La question primordiale n’est plus seulement d’atteindre une taille critique mais de trouver les liens pertinents et de les valoriser. Je propose de réfléchir au développement territorial par le prisme d’une approche par système urbain, une approche où le fondement même de l’urbain est le lien, la relation. Seule une telle perspective permet de prendre toute la mesure du fait qu’un territoire joue avec et non pas contre les autres territoires, avec les territoires les plus proches et aussi les plus lointains. En termes de politiques publiques, cela renvoie à une réflexion sur les partenariats, les complémentarités, les coopérations entre territoires. Ce positionnement met en avant le fait que la dynamique d’un territoire métropolitain tient plus de ses liens que de son poids. Par conséquent, le territoire du Grand Paris doit être décrypté par les différentes modalités d’interconnexions qui constituent son identité, c’est-à-dire les interdépendances de proximité et les arrimages en connexité avec les autres métropoles. L’espace métropolitain du Grand Paris doit être toujours replacé dans les différents systèmes territoriaux multiscalaires qui le constituent. Jean-François Coulais / géographe, UMR AusserComment aujourd’hui rendre la métropole visible, offrir une représentation territoriale qui mette en valeur à la fois le local et le métropolitain ? Est ce possible, souhaitable ? Comment dessiner un métropolitain sans limite ?Faisons d’abord le constat suivant, dont il faut mesurer les implications : il est aujourd’hui devenu impossible de voir une métropole. Cela signifie deux choses. Physiquement, nous ne pouvons plus embrasser d’un seul regard des villes qui s’étendent sur des territoires démesurés. Autrefois cernées par un horizon géographique, celui que dessinent par exemple les plateaux de l’amphithéâtre parisien, les limites de l’agglomération sont repoussées toujours plus loin. Et nous ne pouvons plus non plus, malgré la puissance des technologies cartographiques dont nous disposons, en produire de représentation visuelle sans que se créent automatiquement de multiples décalages entre l’image idéelle véhiculée par ces représentations et la réalité de ces territoires. Autrement dit, nos représentations symboliques ont perdu prise avec nos perceptions in situ. Ces évolutions imposent dès lors une double inversion du regard. D’une part, la réalité de la métropole ne peut plus être perçue autrement qu’à partir d’un travail de terrain, ancré dans le local et en prise directe avec les situations vécues par les habitants. Et cela questionne lourdement les méthodes, voire le sens de l’investigation urbanistique. Nous devons, d’autre part, explorer et inventer de nouveaux modes de représentation, dans la perspective d’une action cohérente sur l’ensemble du territoire. Ceux-là devront être capables de faire « remonter » les situations locales et de former une image globale de la métropole qui n’ait en chemin ni perdu de vue, ni dénaturé la réalité de ce qui existe dans le territoire. Ce processus d’inversion ouvre une multitude de pistes expérimentales, toutes passionnantes et prometteuses, rebattant les cartes de la représentation classique, au sens politique comme au sens visuel de ce terme. Il s’agit donc, en quelque sorte, de réarticuler deux espaces aujourd’hui disjoints, ceux du visible et ceux du mental, pleinement constitutifs de la complexité métropolitaine du XXIe siècle. 1.Manuel Castells, La Société en réseaux. L’ère de l’information, Fayard, Paris, 1998 BRÈS + MARIOLLE ET CHERCHEURS ASSOCIÉS, Membre du Conseil scientifique de l’Atelier International du Grand Paris
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