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Le dispositif « hôtel métropole » - DPA / DOMINIQUE PERRAULT ARCHITECTURE
Le tissu métropolitain francilien n’est pas le tissu urbain. Le premier intègre des éléments que l’on ne retrouve pas dans le second. Le tissu urbain, celui de la ville, possède une certaine continuité, continuité du bâti, continuité de l’espace public, continuité des parcours et des usages, du centre vers les limites administratives de la ville. Si parfois l’on observe des continuités dans le tissu, des coutures dans les usages, à l’échelle métropolitaine, ce que l’on observe, ce sont des ruptures mises en place par la géographie, des discontinuités et des traumatismes causés notamment par l’ossature des infrastructures de transport. La ville et la métropole constituent deux réalités de territoire différentes. Des filtres qui interagissent, se croisent et se superposent. L’échelle métropolitaine n’est pas la négation des échelles inférieures du territoire, pas plus qu’elle n’est la ville étendue. Deux échelles nécessaires pour comprendre et décrire l’expérience humaine contemporaine, renvoyant à des aspirations fondamentales et complémentaires. L’existence d’une tension latente entre le besoin fondamental d’habiter, de se situer, de construire du propre, et la nécessité de faire l’expérience du collectif et de l’appartenance partagée, du réseau, de s’affranchir des spécificités de l’espace. Le saut d’échelle permet de saisir – dans la limite de ce qu’il est possible de représenter – l’existence d’une masse critique d’informations, de déplacements et de pratiques au sein d’un territoire dont les limites importent peu. Nous souhaitont construire un dispositif qui puisse produire de l’urbanité à partir de ce qui est proprement métropolitain, qui puisse transformer l’énergie cinétique dégagée quotidiennement à l’échelle métropolitaine, la translater dans les territoires qu’elle irrigue. Traditionnellement, habiter, c’est s’inscrire, entretenir un rapport d’attachement, de proximité et d’affection avec le lieu d’où l’on est, où l’on retourne. C’est le territoire du « je », qui trouve sa traduction en architecture dans l’allégorie de la maison, de la cabane ou du toit. La compréhension que nous avons du fait métropolitain nous a amenés à construire une typologie d’habitat proprement métropolitain, en réponse à l’intuition que l’on n’habite pas la métropole comme on habite la ville ou le village. Que nous ne sommes pas « grand parisien » ou « francilien » au même titre que l’on est parisien, melunais ou courneuvien. Habiter le Grand ParisHabiter le Grand Paris, c’est :
CadragePour observer la métropole à partir de sa population et de ses pratiques, nous avons réalisé un inventaire des équipements ayant la capacité de générer des déplacements à l’échelle métropolitaine, sur des durées plus ou moins longues, recherché les proximités entre ces infrastructures et envisagé des scénarios pour faire naître de l’urbanité et de l’habitat là où c’est nécessaire. Cette première recherche ne porte pas directement sur la territorialisation de l’offre de logements par bassin, pas plus que sur l’analyse de l’objectif retenu par la loi. Elle introduit l’idée que, en parallèle du besoin en logements, il est nécessaire d’imaginer d’autres formes de l’habiter à destination des populations qui pratiquent la métropole sans pour autant être franciliens, qui ont besoin d’y accéder sans s’y inscrire. Des formes de l’habiter qui permettent de répondre aux situations d’urgence, mais aussi aux situations transitionnelles de la vie, avec la certitude que l’offre de logements soit adaptée à l’évolution du mode de vie métropolitain. L’Hôtel Métropole est un dispositif qui permet de fluidifier autrement le marché du logement. Il pourrait absorber une part non négligeable (de l’ordre de 15 %) du besoin en logements et générer indirectement la construction de logements complémentaires autour des nouvelles polarités métropolitaines qu’il organise. Regarder le territoire métropolitainPour déconstruire la complexité de lecture du territoire métropolitain, nous avons imaginé une représentation affranchie des informations relevant proprement de la ville (densité du bâti, équipements communaux courants, limites communales…) pour regarder le territoire du point de vue des équipements métropolitains. Il s’agit essentiellement d’équipements ayant la capacité de générer des mouvements à une échelle qui n’est pas celle de la commune ou de l’intercommune et mobilisant des populations sur des temporalités autres que celles de l’inscription. Des infrastructures qui génèrent des déplacements métropolitains excédant les échelles de proximité propres aux usages quotidiens. Des équipements que l’on ne fréquente pas nécessairement au quotidien, mais qui ponctuellement deviennent des lieux incontournables à un moment ou un autre de la vie. Cet inventaire du déjà-là métropolitain a pour objectif de révéler des proximités géographiques non exploitées entre des infrastructures, de révéler des situations urbaines aujourd’hui inexistantes. La concentration à une certaine échelle de ces structures de territoire doit fournir le ciment nécessaire à la formalisation du récit d’une urbanité nouvelle générant un sentiment d’appartenance. Pour cela, il faut mobiliser les spécificités de la géographie métropolitaine comme un fixatif, un repère permettant de se situer. Mobiliser la géographie disponibleÀ l’inverse de la méthode des villes nouvelles, nous souhaitons constituer les futures polarités métropolitaines à partir d’un déjà-là revitalisé. La géographie métropolitaine, par sa topographie, les sinuosités de ses voies d’eau et ses poumons arborés, offre des respirations dans le magma urbain et constitue des balises pour se repérer dans l’étendue du territoire francilien. Des vides métropolitains pour prendre conscience de la taille et des limites de la masse métropolitaine. Vers une nouvelle représentation métropolitaineL’Atlas des « 100 tensions métropolitaines » illustre une méthodologie de lecture et de représentation du territoire métropolitain. Il s’agit de faire figurer 100 situations métropolitaines possibles, 100 territoires à réinvestir, 100 polarités à renforcer. 100 écosystèmes urbains qui pourraient gagner en autonomie, en visibilité et concentrer les efforts d’urbanisation. 100 constellations pour se repérer dans l’immensité du territoire métropolitain. Face aux 1 301 communes, 317 cantons, 8 départements et quelque 150 intercommunalités de la Région Île-de-France, nous proposons un Atlas du Grand Paris composé de 100 lieux, comme 100 priorités, 100 chroniques d’un récit métropolitain à construire. L’Atlas du Grand Paris fonctionne comme un tableau périodique des éléments métropolitains, des figures classées de 1 à 100, comme 100 interventions en vue d’un Grand Paris solidaire. Il s’agit d’un système de représentation qui propose la construction d’une narration non administrative du territoire. de gauche à droite et de bas en haut : L ‘hôtel : une poétique de l’« inhabitation »D’Edmund Goulding à Sophia Coppola, en passant par Wim Wenders, l’hôtel constitue un décor de cinéma privilégié. À l’instar des paysages de routes, des scènes en voiture et de certaines ambiances de cafés, qui ont alimenté en plans célèbres l’histoire du cinéma, l’hôtel renvoie au hors de chez soi, à l’ailleurs ; c’est le lieu de l’errance, du passage, de l’aventure. Toutefois l’hôtel n’est pas seulement une ambassade de tous les fantasmes, un espace de négation ponctuelle de la réalité quotidienne, c’est également le refuge, le lieu dans lequel on échoit, le dernier toit, l’abri ultime, que l’on habite au jour le jour, ou à la semaine, dans l’attente d’un toit à soi, d’un abri en propre. Cette solution est d’ailleurs de plus en plus employée, car les structures institutionnelles (foyers, logements d’insertion, etc.) ne sont plus en mesure de répondre à l’évolution croissante de la demande de logements. De l’hôtel à l’hôtel métropoleNous avons utilisé la figure de l’hôtel, avecl’imaginaire chargé qu’il véhicule, comme un outil disponible pour penser et accompagner le fait métropolitain. L’idée n’est pas de répondre à la crise du logement en Île-de-France en complétant l’offre hôtelière de la région capitale, en multipliant ici et là ces lieux de résidence temporaire, mais d’élaborer un dispositif partant des spécificités des territoires brassés dans la houle de la métropole, dispositif capable de réveiller ou d’activer des situations urbaines encore muettes au destin métropolitain. Dans une démarche thérapeutique attentive, nous proposons de mettre en place des Hôtels Métropole là où les structures présentes sur le territoire sont suffisantes, pour une pratique mobile et nomade d’un territoire étendu, non circonscrit. Des habitats à destination d’une population constituée de ce que nous avons appelé « les exceptions permanentes », désignant des populations, pas nécessairement précaires, qui à un certain moment de leur vie se trouvent dans des situations où habiter ne signifie pas nécessairement s’inscrire dans la durée. Le dispositif de l’Hôtel Métropole accompagne quelque part le passage d’une économie du propre pour ne pas dire de la propriété, où l’architecture est gelée selon un usage unilatéral (voire en nonusage), à une nouvelle ontologie de l’habiter. Il faut quelque part accepter l’idée d’une « dépropriation » où l’habitation n’est plus une amplification du corps, un sanctuaire, mais où elle devient un instrument programmable à la mesure d’une multiplicité d’usages par une multiplicité d’agents. S’affirme donc l’idée d’un habiter complexe qui correspond, pour moi, à des vécus ontologiques très contemporains. Frédéric MigayrouCinq mises en situation : chroniques de l’hôtel métropoleNous avons choisi de développer cinq situations parmi les constellations métropolitaines que nous avons fait figurer à l’Atlas des « 100 tensions métropolitaines ». Cinq chroniques d’un récit métropolitain à construire pour tester un dispositif générique et contextualisé aux spécificités des typologies urbaines rencontrées. Cette présentation par itération peut sembler naïve du point de vue de la faisabilité opérationnelle ; toutefois nous cherchons à montrer la flexibilité d’un dispositif qui s’accorde et prend sens à partir de ce qui est déjà là, des structures présentes mais silencieuses les unes aux autres ; des équipements entretenant une proximité du point de vue de la géographie, mais non du point de vue des pratiques. L’Hôtel Métropole n’est pas une typologie en soi, il constitue un lieu à la disposition des populations mobiles qui séjournent en métropole sans avoir nécessairement la visibilité sur leur trajectoire de vie à long terme. Pour illustrer le caractère liant du dispositif, nous avons souhaité envisager un espace commun à tous les Hôtels Métropole, un lobby public, dont les caractéristiques programmatiques restent à déterminer en fonction des spécificités territoriales. Le lobby public prolonge ou constitue l’espace public d’une localité qui en manque, dessinant un nouveau un centre de gravité de l’espace partagé. À Orsay / Gif-sur-Yvette, l’Hôtel Métropole accompagne un des projets de développement de territoire emblématiques du Grand Paris. À Créteil, il s’agit d’un dispositif renforçant une polarité métropolitaine existante. Aux Olympiades à Paris, l’Hôtel Métropole s’infiltre dans les tours en réutilisant les logements vacants. Aux anciennes papeteries de la Seine à Nanterre, comme sur le site de la Sagep à Ivry-sur-Seine, l’Hôtel Métropole, investit temporairement ou partiellement des friches industrielles, le temps de conduire les projets de reconversion de ces parcelles. DPA / Dominique Perrault Architecture, Membre du Conseil scientifique de l’Atelier International du Grand Paris
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