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Lors de la première phase de l’AIGP, j’avais déjà souligné dans notre rapport l’importance des continuités métropolitaines au sol pour recoudre les liens sociaux au sein du «territoire émietté» du Grand Paris.
Ce thème primordial a été repris aussi lors de la seconde étape : les «liens métropolitains» ont été illustrés par notre proposition d’Axe Nord-Sud, le premier axe doux d’un futur maillage identitaire au sol, support de liens et créateur d’une identité métropolitaine (idées par ailleurs appliquées avec succès sur le tramway de Bordeaux Métropole).
Lors de cette seconde phase, nous avons surtout réfléchi aux nombreux défis que pose l’immense crise – environnementale et sociale – que nous traversons, défis particulièrement visibles dans les territoires métropolitains, en apportant des solutions concrètes pour combattre l’exclusion :
- à la pénurie et à l’inadéquation des logements, nous avons proposé des tours à faible coût, mixtes, flexibles et de qualité ;
- face au phénomène d’accélération des migrations et à l’aggravation du manque d’hébergement d’urgence, nous avons poursuivi les travaux que nous menons depuis 2004, basés sur une réflexion pluridisciplinaire et en concertation avec des associations spécialisées, pour établir un concept adéquat de logements préfabriqués. Ce concept est déclinable en plusieurs typologies capables de s’insérer immédiatement et en douceur dans des contextes variés.
Deux conditions sont aussi nécessaires au succès de ces actions :
- la qualité architecturale pour susciter l’adhésion de tous, riverains et utilisateurs ;
- l’implantation dans les territoires urbains centraux et bien équipés pour favoriser l’insertion des sans-logis et rompre ainsi le processus de marginalisation, car ces populations exclues de la société par leur statut de non-consommateurs sont aussi condamnées à une totale exclusion de la ville.
L’actuelle Biennale d’Architecture de Venise acte un tournant dans la conception de la ville et montre de nombreuses démarches soutenables et utiles pour orienter la construction des métropoles. Son autre grand mérite est de mettre en lumière les travaux exemplaires émanant de collectifs citoyens et de nous montrer comment certains d’entre eux ont été pris en compte et réalisés par certaines municipalités ; celles-ci ont compris l’intérêt d’intégrer ces propositions intelligentes et pragmatiques issues des réalités du terrain. Huit ans après, la métropole du Grand Paris a son premier tracé officiel, et sa gouvernance spécifique se met en place. Elle se heurte néanmoins aux nombreuses et complexes instances de gouvernance locales et régionales existantes, tout aussi émiettées que son territoire. Dans notre région, les politiques urbaines et de logement sont otages de cette complexité des pouvoirs. Face à l’inaction publique, de nombreux projets émanant des habitants tentent de voir le jour à travers des collectifs, en apportant des solutions architecturales et urbaines adéquates aux nombreuses réalités et défis contemporains. Comme le font déjà certaines grandes villes dans le monde, la prise en compte effective de ces mouvements sociaux par les instances métropolitaines est la condition pour réussir ensemble la construction réaliste d’un Grand Paris plus «soutenable».
ELISABETH DE PORTZAMPARC
Architecte
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